octobre 25, 2018

Histoire

 

His­toire avant la Sarinia

C’est au moyen-âge, avec la créa­tion des uni­ver­sités, qu’ap­parurent les groupe­ments d’é­tu­di­ants. Les uni­ver­sités étaient divisées non seule­ment en 4 fac­ultés, mais aus­si en 4 nations, selon le mod­èle ital­ien. Chaque nation groupait pro­fesseurs et élèves d’une région. C’est l’o­rig­ine des pre­mières sec­tions uni­ver­si­taires alle­man­des, appelées alors Lands­man­nschaften, qui dev­in­rent très puis­santes au 17ème siè­cle. Réprimées suite à cer­tains excès à la fin de la guerre de trente ans, elle perdirent beau­coup de leur influence.

En 1841, sous l’im­pul­sion du cli­mat poli­tique suisse et du développe­ment des organ­i­sa­tions estu­di­antines, la Société des Etu­di­ants Suiss­es est créée. Le pays subis­sait en effet une per­sé­cu­tion des­tinée à ren­vers­er les struc­tures catholiques, dont il était demeuré sol­idaire. La frac­tion extrémiste du par­ti libéral menait la lutte antire­ligieuse avec vio­lence, obtenant la sup­pres­sion de plusieurs cou­vents et monastères dans dif­férents can­tons. Il était donc néces­saire pour les catholiques d’avoir une société d’é­tu­di­ants ayant pour but de for­mer des hommes qui lut­teraient pour assur­er le droit des catholiques suiss­es à l’ex­is­tence politique.

Quant à la Sarinia, elle est née au cours de l’hiv­er 1895–1896, à par­tir de la scis­sion de la Roma­nia (qui regroupait alors alé­maniques, romands et tessi­nois) en 2 sociétés. Le 2 novem­bre, la Sarinia est con­sti­tuée au pavil­lon des Arcades, et Aloys von der Weid en devient le 1er prési­dent. A compter de ce jour, la sec­tion a per­duré, lais­sant se suc­céder les généra­tions de sariniens.

1895: Créa­tion de la Sarinia

Au début du semes­tre d’hiv­er 1895–1896, vu les dif­férences de langues et de men­tal­ités, lesmem­bres de la Roma­nia, fondée 6 ans aupar­a­vant, lors de l’ou­ver­ture de l’U­ni­ver­sité de Fri­bourg, déci­dent de la scis­sion de leur société entre les alé­maniques et les romands. Le 2 novem­bre, ces derniers, réu­nis au pavil­lon des Arcades, con­stituent la Sarinia, et met­tent Aloys von der Weid à leur tête. Bien­tôt, ils éla­borent leurs statuts, rem­pla­cent la rigide cas­quette, alors en hon­neur, par un seyant béret de velours rouge, orné d’une croix blanche. Au cours de leurs séances offi­cielles, ils abor­dent les sujets les plus divers: religieux, poli­tiques, lit­téraires, voire artis­tiques; par­fois, un spé­cial­iste de tel ou tel domaine de la cul­ture les régale d’une con­férence. Au tra­vail s’al­lie une vive exubérance, comme le prou­vent les moments de détente au Stamm, les offi­cieuses, et le jour­nal humoris­tique, “La Meule”.

Sou­vent, ils égayent la cité de leurs airs joyeux, car ils ne tar­dent pas à avoir leur chan­son­nier. “Oh! ce pre­mier chan­son­nier, déli­cieux mélange de romances légères, de ten­dres cou­plets, de refrains graves ou mar­ti­aux, comme il est révéla­teur de l’âme sarini­enne d’alors!” (B. de Weck). Vrai­ment, comme le dit la devise qu’ils adoptent alors, “Sarinia ser­e­nat frontes”. Ils se vouent aus­si à l’art dra­ma­tique: en mai 1896 déjà, ils jouent “La Berline de l’Emi­gré”, mélo­drame qui rem­porte un vif suc­cès. L’an­née suiv­ante, c’est le bap­tême de leur pre­mière ban­nière, dont le grand homme d’E­tat, Georges Python, et la baronne Georges de Mon­te­nach sont les par­rain et marraine.Dès 1902, ils se sen­tent soutenus morale­ment et finan­cière­ment par leurs aînés qui vien­nent de se grouper dans l’An­ci­enne Sarinia.

En juil­let 1914, d’en­tente avec les deux autres sec­tions académiques, l’Alé­ma­nia et la Léon­i­na (réservée aux étu­di­ants en théolo­gie), les Sariniens célèbrent fort joyeuse­ment le 25ème anniver­saire de la fon­da­tion de la Roma­nia. Peu après éclate la pre­mière guerre mon­di­ale. Au cours des qua­tre années que dure ce sanglant con­flit, ils sont à tour de rôle sous les dra­peaux; une fois revenus sur les bor­ds de la libre Sarine, ils se pas­sion­nent pour la cause des Alliés, et frater­nisent avec les internes français et belges qui étu­di­ent à l’U­ni­ver­sité. En automne 1915, les mem­bres d’o­rig­ine tessi­noise s’es­ti­ment assez nom­breux pour con­stituer la Lépon­tia (les deux sec­tions sont tou­jours restées en excel­lents termes).

1918: Des temps troublés

Au sor­tir des hos­til­ités et au moment de la sérieuse alerte qu’a été pour la Suisse la grève générale de novem­bre 1918, les Sariniens s’in­téressent d’a­van­tage à l’ac­tion catholique et aux prob­lèmes soci­aux. Ils col­la­borent ain­si au mou­ve­ment des jeunes con­ser­va­teurs et à la créa­tion de l’U­nion inter­na­tionale des étu­di­ants catholiques, dite Pax Romana. Les mag­nifiques espoirs d’une reprise des affaires et d’une paix durable qu’a fait naître la Société des Nations s’é­vanouis­sent rapi­de­ment; la crise économique va en s’ag­gra­vant jusqu’en 1939; le com­mu­nisme, le fas­cisme et le nazisme ten­tent de gag­n­er la jeunesse, et en par­ti­c­uli­er l’élite intel­lectuelle de l’Eu­rope entière.

Les uni­ver­si­taires, quelque peu désori­en­tés, ont besoin de guides sûrs et pru­dents. Aus­si, à par­tir des années 1930, comme la plu­part des sec­tions académiques, la Sarinia a son aumônier et son Vere­inspa­pa. L’aumônier s’ef­force de gag­n­er l’ami­tié et la con­fi­ance de chaque mem­bre; en cas de dif­fi­cultés au sein de la sec­tion (inévitable­ment, il en sur­git de temps à autres), il tente de les aplanir. Dans les dis­cus­sions d’or­dre philosophique ou religieux, il a le tal­ent de met­tre tout au point, et ranime enfin sans cesse la flamme de l’a­pos­to­lat. Le pre­mier à rem­plir cette charge fut le Père Pil­loud, domini­cain. Quand au Vere­inspa­pa, comme le terme mi-alle­mand mi-français l’indique, il est en quelque sorte le père de la sec­tion. S’ef­forçant d’être jeune avec les jeunes, il y met tout son coeur, tout son entrain. Le plus sou­vent qu’il le peut, il assiste à leurs séances et par­ticipe à leurs diver­tisse­ments. Sans en avoir l’air, il leur prodigue ses con­seils et les fait béné­fici­er de son expéri­ence de la vie. Pierre Aeby, pro­fesseur de droit à l’U­ni­ver­sité, dont le sou­venir est resté bien vivant en Sarinia, rem­plit cette mis­sion avec beau­coup de dévoue­ment durant plus de quinze ans.

1938: Ciel assombri

Fin juil­let 1938, bien qu’elle se déroule dans une atmo­sphère inter­na­tionale lourde et orageuse, la Fête cen­trale de Fri­bourg met un peu de gai­eté et d’en­t­hou­si­asme au cœur des Sariniens; l’un d’eux, Aloys Sallin, accède à la haute charge de C.P. (Prési­dent cen­tral de la Société Suisse des Etu­di­ants). Loin de se rassérén­er, le ciel s’as­sombrit tou­jours davan­tage; au début de sep­tem­bre 1939 éclate la deux­ième guerre mon­di­ale. En Suisse, on vit dans l’in­cer­ti­tude, et par­fois l’an­goisse, comme ce fut le cas en été 1940.

A l’ap­pel du général Guisan, mil­i­taires et civils ramassent leur énergie pour tenir coûte que coûte. A tour de rôle, nom­bre d’é­tu­di­ants sont sous les dra­peaux. Néan­moins, c’est avec con­fi­ance, voire avec opti­misme, que les mem­bres de la sec­tion regar­dent l’avenir; deux d’en­tre eux sec­on­dent le Comité dans sa tâche: le com­mis­saire poli­tique et social, ain­si que le com­mis­saire aux sports. A maintes repris­es, les équipes sarini­ennes se dis­tinguent dans les cham­pi­onnats universitaires.

Les Sariniens déploient une activ­ité cul­turelle intense et ne man­quent pas d’au­dace. Un soir de l’hiv­er 1943–1944, François Mau­ri­ac est leur hôte. Ce fut une con­férence inou­bli­able. Le tout Fri­bourg ova­tionne le grand écrivain. Puis c’est “la Comédie du théâtre” de Sheri­dan qu’in­ter­prè­tent les Sariniens. Les Fri­bour­geois et Valaisans n’ont pas peur de s’en­gager, sous la houlette des Pierre Aeby, Ernest Lor­son et Bernard de Weck. Ils par­ticipent à la vie de la cité, heureux et fiers de s’in­té­gr­er à la com­mu­nauté fri­bour­geoise. Les prési­dents valaisans suc­cè­dent aux prési­dents fri­bour­geois, dans une par­faite har­monie, ce qui n’empêche pas les dis­cus­sions pas­sion­nées, lors de séances mémorables. L’été 1944 voit, à Brem­garten, Hen­ri Frag­nière, déjà alors bril­lant juriste, accéder à la prési­dence cen­trale; ce n’é­tait que le début de la pres­tigieuse car­rière du juge fédéral valaisan, par­rain du dra­peau du 75ème anniver­saire. Le 8 mai 1945, à la fin des hos­til­ités, les Sariniens descen­dent dans la rue avec leurs cama­rades de l’Al­ma mater et toute la jeunesse de la cap­i­tale; ils y man­i­fes­tent leur joie à leur manière.

1945: Fête du cinquantenaire
Peu après, le 21 mai, l’Ale­man­nia et la Sarinia fètent ensem­ble leur cinquan­te­naire. La solen­nité débute par un office pon­tif­i­cal à la cathé­drale de St-Nico­las. Au sor­tir de la céré­monie, un cortège d’une rare mag­nif­i­cence par­court les rues de Fri­bourg. Des demoi­selles d’hon­neur de la sec­tion, fort ravis­santes dans leurs longues robes blanch­es, attirent l’at­ten­tion des nom­breux spec­ta­teurs; quelques mem­bres for­ment un char­mant pelo­ton de cav­a­liers; les autres entourent la calèche dans laque­lle ont pris place le Con­seiller fédéral Enri­co Celio, Vieux-Sarinien, prési­dent du Comité d’hon­neur, le Con­seiller d’E­tat Joseph Piller, directeur de l’In­struc­tion publique, et Mau­rice Berset, le seul des vétérans de 1895, alors encore en vie.

A l’Hô­tel-Suisse, au cours du ban­quet, les Sariniens enton­nent le Chant du cinquan­te­naire sous la direc­tion de son auteur, le chanoine Bovet. Après avoir pronon­cé un remar­quable dis­cours, le prési­dent, M. Bernard ‑de Tor­ren­té, ceint du ruban d’hon­neur le P. Koller, aumônier de la sec­tion, Pierre Aeby, le dévoué Vere­inspa­pa, le Con­seiller d’E­tat Bernard de Weck, auteur de Sarinia 1895–1945, le juge can­ton­al Mar­cel Gar­dian, si act­if au sein de l’An­ci­enne-Sarinia, et M. René Binz, chance­li­er d’Etat. 

1945: Incer­ti­tude
Vers 1945, on se demande si l’on va béné­fici­er d’une paix juste et durable. Hélas! deux blocs se con­stituent, l’un com­mu­niste, l’autre anti­com­mu­niste, et c’est la guerre froide. L’Eu­rope épuisée, se relèvera-t-elle de ses ruines ? Une nou­velle crise économique attein­dra-t-elle derechef le monde entier ? Heureuse­ment, les Etats-Unis aident l’Oc­ci­dent à retrou­ver sa prospérité; le con­cours de la Suisse est aus­si pré­cieux, ses usines n’ar­rivent qu’à peine à exé­cuter les com­man­des du dehors; c’est la haute con­jonc­ture, on voit appa­raître une société de con­som­ma­tion. On a besoin d’un nom­bre tou­jours plus grand d’ou­vri­ers, pour la plu­part venus d’I­tal­ie et d’Es­pagne, d’ar­chi­tectes, d’ingénieurs, de physi­ciens, de chimistes, d’é­con­o­mistes. L’U­ni­ver­sité de Fri­bourg, comme toutes celles de l’Eu­rope, accueille tou­jours plus d’é­tu­di­ants. Les uns ont de l’ar­gent plein les poches, tout naturelle­ment, ils s’adon­nent plus aux diver­tisse­ments qu’à leurs études; d’autres, plus nom­breux, se heur­tent à de graves dif­fi­cultés finan­cières tant les cham­bres, les pen­sions, les livres, sont chers; la Con­fédéra­tion, les can­tons et les com­munes en vien­nent à leur octroy­er des bours­es d’é­tudes. Au cours de ces dernières années (surtout depuis 1968), ils désirent avec plus ou moins de véhé­mence des réformes dans l’en­seigne­ment et les struc­tures universitaires.

Enfin, depuis le con­cile Vat­i­can 11, grave crise au sein de l’Eglise catholique; cer­tains “Pro­gres­sistes”, tant dans le clergé que dans le laï­cat, voudraient tout mod­erniser à leur fantaisie.Plus que par le passé, l’in­flu­ence du Vere­inspa­pa et de l’aumônier s’avère néces­saire et salu­taire. En 1950 Me Aloys Sallin suc­cède à Pierre Aeby; il y met et son coeur de Vieux-Sarinien et son ent­hou­si­asme d’é­tu­di­ant suisse. Sou­vent, il se retrou­ve avec les jeunes dans la chaude ambiance du Stamm, aux séances, quand une ten­sion éclate, il parvient, pas sa mod­éra­tion, sa diplo­matie, à calmer les esprits et à rétablir la bonne entente. Aus­si gagne-t-il rapi­de­ment toutes les sym­pa­thies et bien­tôt on ne jure plus que par Aloys ! Bien qu’il se voie obligé en 1964, pour rai­son de san­té, de renon­cer à sa charge, il reste encore en con­tact avec les étu­di­ants, comme prési­dent de l’An­ci­enne Sarinia. Son suc­cesseur, M. Lau­rent But­ty, préfet du dis­trict de la Sarine, ne peut con­sacr­er autant de temps à la sec­tion, pris qu’il est par ses fonc­tions offi­cielles; au bout de trois ans, il renonce à sa pater­nelle mission.

Bien­tôt, la Sarinia trou­ve un excel­lent Vere­inspa­pa en M. Jean Würs­dör­fer, sous-directeur de ta Brasserie du Cardinal.Plusieurs Domini­cains se suc­cè­dent comme aumônier: le P. Koller, le P. Emon­et (à deux repris­es), le P. Louis, le P. Conus, enfin le P. Bon­vin. Mal­gré les vel­léités d’indépen­dance et l’e­sprit de con­tes­ta­tion de quelques-uns, la plu­part des mem­bres répon­dent à son attente, par­tic­i­pant à la messe qu’il célèbre chaque mois à leurs inten­tions, suiv­ant une retraite spé­ciale pour uni­ver­si­taires, s’in­téres­sant à l’ac­tion catholique, spé­ciale­ment aux mis­sions; tous l’en­tourent de leur sincère ami­tié. Au cours de ces six dernières années, cer­tains en vien­nent à cri­ti­quer leur ‘grand druide’, comme ils le surnom­ment, ten­tent même de lim­iter son action.Les assem­blées, quant à elles, se suc­cè­dent au même rythme que précédem­ment. Comme le lais­sent entrevoir les procès-ver­baux, rien de plus gai et de plus ani­mé. Après le pro­to­cole, plus ou moins pit­toresque suiv­ant la verve du secré­taire, vient le Bil­let sarinien, bref exposé d’un mem­bre sur un sujet d’ac­tu­al­ité (Le marché com­mun, la tech­nique du lavage de cerveau, L’abus de l’al­cool, etc.), suivi d’une dis­cus­sion par­fois fort intéres­sante. Oublié depuis quelques années, ce Bil­let sarinien mérit­erait d’être remis en hon­neur. Autre­fois la Meule jetait un peu de gai­eté avant les trac­tan­da pure­ment admin­is­trat­ifs. Quand et pour quelles raisons a‑t-elle cessé de paraître. Faute de doc­u­ments à l’ap­pui, on ne peut le pré­cis­er; en tout cas déjà avant 1960, puisque, en cette dernière année, on tente, mais sans suc­cès, de la faire tourn­er à nouveau.

En revanche, les langues sont bien pen­dues, bien aigu­isées, et, par­fois, le prési­dent a quelque peine à domin­er la sit­u­a­tion. A maintes repris­es, l’élec­tion de ce dernier s’ac­com­pa­gne d’in­trigues, sinon de cabales; d’autres fois, le can­di­dat s’im­pose par ses qual­ités per­son­nelles; ain­si celui du semes­tre d’hiv­er 1960–1961. Chaque mem­bre, ou presque, inter­vient dans les débats. “Après de mul­ti­ples inter­ven­tions, après des motions et des con­tre-motions par poignées, accom­pa­g­nées d’ap­plaud­isse­ments, d’in­vec­tives et de rires” (comme le relate un procès-ver­bal!), sonne l’heure de la clô­ture des débats. Mal­gré cet entrain, il arrive, en par­ti­c­uli­er au cours de cette dernière décen­nie, que nom­bre de mem­bres, par­fois un tiers, bril­lent par leur absence.Pour ce qui touche à la vie intel­lectuelle de la société entre 1945 et 1970, la radio et la télévi­sion déversent sur le monde un tel flot d’in­for­ma­tions dans les domaines les plus divers que partout les con­férences per­dent de leur attrait, les Sariniens en font l’ex­péri­ence. Néan­moins, en vue de leur cul­ture générale, ils en organ­isent sou­vent dans l’in­tim­ité de la sec­tion (il y a une dizaine d’an­nées encore, ils en avaient une tous les quinze jours!). Des pro­fesseurs de l’U­ni­ver­sité, des Domini­cains, très au courant de l’athéisme marx­iste, des par­lemen­taires des Cham­bres fédérales, des con­seillers d’E­tat, des rédac­teurs de grands quo­ti­di­ens vien­nent volon­tiers à leur stamm et bien que l’au­di­toire soit restreint (quelques Vieux-Sariniens vien­nent assez fréquem­ment se join­dre à leurs cadets), ils éprou­vent une pro­fonde joie à lui ouvrir de vastes et nou­veaux horizons.

Les ques­tions suiss­es tien­nent par­ti­c­ulière­ment à cœur aux mem­bres de la sec­tion. Que l’on se rap­pelle les bril­lants exposés du divi­sion­naire Roch de Dies­bach, ancien prési­dent de la Sarinia, sur L’ar­mée suisse, sur L’arme­ment atom­ique; de M. José Python, ancien C.P., alors directeur de l’in­struc­tion publique, sur Les prob­lèmes de notre Uni­ver­sité, de M. Paul Torche, lui aus­si ancien C. P., alors directeur de l’in­térieur, sur La S.E.S. et la poli­tique, de M. Olivi­er Reverdin, Con­seiller nation­al, sur La col­lab­o­ra­tion entre les catholiques et les protes­tants dans le domaine poli­tique. de M. le Con­seiller fédéral Roger Bon­vin, mem­bre d’hon­neur de la Sarinia, sur L’amé­nage­ment des finances fédérales (elle fut don­née à l’Aula magna de l’U­ni­ver­sité en présence d’un pub­lic nom­breux et enthousiaste).Une fois ou l’autre, avec le gra­cieux con­cours de quelques demoi­selles, les Sariniens, corn­me l’avaient fait leurs aînés, mon­tent sur les planch­es et don­nent un grand spec­ta­cle; ain­si en 1958, L’Aizno­tice faite à marie, l’un des chefs-d’oeu­vre de Claudel; deux ans après, Le Maître de San­ti­a­go, de Mon­ther­lant. Bien que le Vere­inspa­pa les encour­age vive­ment à per­sévér­er dans cette voie, bien que l’un des mem­bres pro­pose un jour de com­pos­er et de jouer une revue, quelque peu satirique,comme doit l’être toute revue, ils renon­cent au théâtre. Espérons que ce n’est pas à tout jamais!Si quelques-uns révè­lent à l’oc­ca­sion des tal­ents de dessi­na­teur, de pein­tre, voire de poète, tous, à l’in­star de leurs devanciers, aiment la musique. Même aux jours moros­es, comme le dit la chan­son qui leur est par­ti­c­ulière­ment chère, vrais oiseaux de la gai­eté, ils savent met­tre les cœurs en fête.

Les sports qui, depuis un quart de siè­cle, béné­fi­cient d’un remar­quable essor, les attirent tou­jours davan­tage. Au foot­ball qu’ils ont pra­tiqué comme col­légiens, ils asso­cient le bas­ket, le ten­nis, le tir et surtout le ski; à maintes repris­es, ils se dis­tinguent dans les cham­pi­onnats universitaires.A n’im­porte quelle classe sociale qu’ils appar­ti­en­nent, la plu­part des jeunes d’après-guerre se lais­sent facile­ment emporter par l’at­trait des plaisirs. Les Sariniens aiment à pren­dre une tasse de café ou une chope de bière au stamm, à y faire leur par­tie de cartes ou d’échecs. Un beau jour de décem­bre 1967, ils se voient dans la néces­sité de le trans­fér­er du Restau­rant de la Paix au Café de Pérolles. Aven­ture digne d’être con­tée 1 Comme démé­nageuse, un sim­ple char à bancs d’autre­fois, traîné par deux chevaux, sur lequel s’in­stal­lent une quin­zaine d’en­tre eux; der­rière, vient la longue et mas­sive table de la sec­tion, portée par six ‘croque-morts’; au lieu d’hymnes funèbres, les chan­sons les mieux adap­tées à étouf­fer la tristesse qui étreignait cha­cun. Il est 21 heures lorsqu’une cinquan­taine de gais lurons inau­gurent leur nou­veau local en se délec­tant d’une raclette déli­cieuse­ment valaisanne. Au cours de l’hiv­er, c’est le cours de danse (que l’on ose une fois, à tort ou à rai­son, tax­er d’a­gence mat­ri­mo­ni­ale!) puis le bal où nom­bre de Vieux-Sariniens retrou­vent un peu de leur jeunesse aux côtés de leurs cadets. Au semes­tre d’été, c’est le Bum­mel, char­mante sor­tie en com­pag­nie des Couleur­damen. Quand un mem­bre de la sec­tion passe une licence ou un doc­tor­at, c’est l’oc­ca­sion d’une joyeuse soirée, pour ne pas dire plus.Il arrive même que, tout en se diver­tis­sant, les Sariniens accom­plis­sent une œuvre fort charitable.

Le same­di 20 juin 1964 et le lende­main, soucieux d’aider la VICO (Con­férence de St-Vin­cent de Paul de l’U­ni­ver­sité) dans l’or­gan­i­sa­tion d’une colonie de vacances pour les enfants de familles peu aisées, ils s’in­stal­lent en salopettes sur divers­es places publiques pour laver les voitures. Leur action auto-lavage rem­porté un vif suc­cès et ils peu­vent remet­tre plus de 2000 Frs. à la VICO. Depuis, ce beau geste se renou­velle chaque année.Rupture avec nom­bre de tra­di­tions, évo­lu­tion. Dans l’am­biance de l’après-guerre, que de change­ments s’opèrent peu à peu au sein de la Sarinia ! Autre­fois, par exem­ple, on était fier de son béret rouge, de son ruban de fuchs ou de bursch. Depuis 1945, il en est bien autrement. Alors qu’ils étaient au col­lège, les futurs Sariniens avaient déjà rem­placé la cas­quette d’é­tu­di­ant par un insigne, insigne à son tour aban­don­né; une fois à l’U­ni­ver­sité, ils ne veu­lent plus se dis­tinguer de leurs camarades.

En 1958 déjà, le comité a grand-peine à obtenir le port du béret un jour par semaine; l’an­née suiv­ante, il se con­tente de l’ex­iger pour l’as­sis­tance aux assem­blées, mais sans grand suc­cès; par la suite, il n’en est plus question.L’intérêt porté aux affaires de la sec­tion, notam­ment aux con­férences, va dimin­u­ant dès 1964; aus­si la par­tic­i­pa­tion aux séances laisse-t-elle à désir­er. Si la plu­part des fuchs-majors n’avaient pas grave­ment nég­ligé la for­ma­tion des füchse, on n’en serait prob­a­ble­ment pas arrivé là !En poli­tique, cer­tains envis­agent de rompre les liens tra­di­tion­nels de la S.E.S. avec le Par­ti con­ser­va­teur chré­tien-social; l’un ou l’autre se mon­tre gauchisant, peut-être par sno­bisme. Sur le plan religieux, les mêmes ten­tent de restrein­dre l’ac­tion de l’aumônier et enten­dent faire de la vie chré­ti­enne une affaire unique­ment personnelle.Une courageuse minorité réag­it plus ou moins vive­ment, soucieuse du main­tien des tra­di­tions intel­lectuelles, poli­tiques et catholiques des étu­di­ants suiss­es. Une forte ten­sion finit par éclater. La sit­u­a­tion se révèle plus grave qu’en 1932, lors de la fon­da­tion de la Vig­ilia (alors la scis­sion n’avait duré que quelques mois). En 1965, cette minorité envis­age la créa­tion d’une nou­velle sec­tion, mal­heur que Me Aloys Sallin parvient à con­jur­er pour un cer­tain temps; qua­tre ans plus tard, comme l’an­tag­o­nisme sub­siste, elle se sépare net­te­ment de la Sarinia en con­sti­tu­ant la Romandia.Comme dans toute vie, des journées ensoleil­lées, pleines de gai­eté et de récon­fort, font oubli­er ou presque les moments pénibles, douloureux et sombres.

Les 25, 26 et 27 juil­let 1948, c’est la Fête cen­trale de Fri­bourg, à la pré­pa­ra­tion de laque­lle jeunes et moins jeunes col­la­borent avec entrain. A l’of­fice pon­tif­i­cal du dimanche 26, l’ap­pel de Son Excel­lence Mgr Char­rière touche les cœurs : ‘Des gens qui sont tou­jours con­tre quelqu’un ou con­tre quelque chose n’ap­por­tent rien, car le monde ruiné n’a pas besoin de lutte stérile, mais d’un effort con­struc­teur’. Au ban­quet, M. Paul Torche, alors Con­seiller d’E­tat, demande aux Etu­di­ants de ne pas décevoir les class­es pop­u­laires; le soir, le Con­seiller fédéral Enri­co Celio, Vieux-Sarinien, célèbre le cen­te­naire de la trans­for­ma­tion de la Con­fédéra­tion helvé­tique en un Etat fédératif. Le lende­main, lors de la récep­tion des can­di­dats à Estavay­er-le-Lac, le Con­seiller nation­al Paul de Courten, ancien prési­dent de la Sarinia, leur adresse une vibrante harangue. Quant aux Sariniens, ils sont heureux et fiers de la bril­lante élec­tion à la haute charge de C.P. de l’un des leurs, M. Georges Guisolan, aujour­d’hui préfet du dis­trict de la Broye.Quatre ans plus tard, c’est la béné­dic­tion d’un dra­peau, des­tiné à rem­plac­er celui de 1914, ban­nière dont Mon­sieur Paul de Courten et Madame Aloys Sallin sont les par­rain et mar­raine. La céré­monie se déroule à l’église du Col­lège St-Michel. Si le recteur de ce dernier étab­lisse­ment bénit le nou­v­el éten­dard, celui du Col­lège de Sion prononce l’al­lo­cu­tion de cir­con­stance. Au cours du ban­quet, à l’Hô­tel Suisse, le prési­dent, M. Mar­ius Remy, proclamé mem­bres d’hon­neur de la Sarinia Pierre Aeby, Ernest Lor­son, le Chanoine Armand Pit­tet (tous trois enlevés depuis quelques années à l’af­fec­tion des Sariniens), l’ab­bé Ernest Dutoit, les Pères Emon­et et Louis, dominicains.Les étu­di­ants suiss­es tien­nent à nou­veau leurs assis­es à Fri­bourg en 1958. Le Chef vénéré du diocèse leur adresse encore une fois la parole, insis­tant sur la force que don­nent aux vrais chré­tiens la pro­fes­sion d’une même foi et la pra­tique d’une même charité.

A la récep­tion des can­di­dats, qui se déroule en toute sim­plic­ité à la Cité uni­ver­si­taire, le divi­sion­naire Roch de Dies­bach s’adresse en ter­mes ent­hou­si­astes aux jeunes qui font leur entrée dans la S.E.S. Pour la sec­tion, c’est un hon­neur, une joie, de voir son prési­dent de naguère, Jean-Marie Clo­suit, élu C.P.17 décem­bre 1959, journée mémorable pour la Sarinia. Pour la troisième fois, l’un des siens est élu Con­seiller fédéral; après Jean-Marie Musy, en 1919, après Enri­co Celio en-1940, c’est au tour du regret­té Jean Bourgknecht, son ancien prési­dent. Elle par­ticipe avec ent­hou­si­asme à la grandiose récep­tion que lui ména­gent dans la soirée le can­ton de Fri­bourg et spé­ciale­ment sa cap­i­tale dont il est le syn­dic. Six jours après, d’en­tente avec l’An­ci­enne Sarinia, elle le fête au cours d’un souper plein d’en­train. En juil­let 1966, la sec­tion présente comme futur C.P. M. François Lachat, qui avait été son prési­dent au semes­tre d’hiv­er précé­dent; la can­di­da­ture triomphe. 

1968: Courants révolutionnaires

En 1968, la Fête cen­trale se déroule sur les bor­ds de la libre Sarine (du 6 au 9 sep­tem­bre). L’heure est aux ques­tions sérieuses. Depuis mai, souf­fle de la France vers la Romandie un courant nou­veau. Les jeunes envis­agent leur par­tic­i­pa­tion à l’or­gan­i­sa­tion des Uni­ver­sités suiss­es, la mod­erni­sa­tion des pro­grammes avec l’in­tro­duc­tion de branch­es à option et d’ex­er­ci­ces pra­tiques plus nom­breux, le dia­logue entre maître et élèves, une plus grande col­lab­o­ra­tion entre les divers­es Hautes Ecoles. A Fri­bourg, peu de vrais con­tes­tataires et par­mi ces derniers, peu de Sariniens. Après un long et intéres­sant débat au sein de l’Assem­blée générale, la S.E.S. adopte un Man­i­feste con­cer­nant la poli­tique uni­ver­si­taire, remar­quable par sa pondéra­tion. Autre ques­tion à l’or­dre du jour: l’ad­mis­sion des étu­di­antes dans la société comme mem­bres à part entière. Quelque peu en rela­tion avec le puis­sant mou­ve­ment en faveur de l’oc­troi des droits civiques et poli­tiques à la femme suisse, ce prob­lème devait se pos­er un jour ou l’autre.

Aux Sariniens surtout revient l’hon­neur de l’avoir étudié, lancé, enfin tra­vail­lé en vue de son heureuse solu­tion. Jusqu’en 1966, on regar­dait comme Sarini­ennes les demoi­selles qui pre­naient part au cours de danse, au bal, au Bum­mel et par­fois aux grandios­es fêtes de la sec­tion ; à par­tir de 1963, on leur décerne même de fort jolis diplômes. Depuis la deux­ième guerre mon­di­ale, les jeunes filles suiv­ent les cours uni­ver­si­taires en nom­bre tou­jours plus grand; elles se retrou­vent aux côtés de leurs cama­rades mas­culins non seule­ment dans les audi­toires mais encore au stamm; elles en vien­nent à con­naître leurs prob­lèmes, leurs aspi­ra­tions, quelques fois le fond de leurs cœurs. Le 23 févri­er 1960, un jeune mem­bre, aujour­d’hui remar­quable juriste, pro­pose d’ac­cueil­lir aux réu­nions les Sarini­ennes qui sont étu­di­antes, même de leur don­ner une voix consultative.

Un peu plus tard, à par­tir de 196î, la sec­tion envis­age leur admis­sion comme mem­bres à part entière mais elle se heurte à une résis­tance plus ou moins forte. En atten­dant, ces demoi­selles pren­nent part aux con­férences, aux causeries-audi­tions de la Sarinia et, si elles en expri­ment le désir, elles peu­vent, grâce à une autori­sa­tion du Comité cen­tral, en devenir mem­bres comme hôtes (hos­pes); alors, en 1967, plusieurs font leur stage de fuchs et parvi­en­nent à la dig­nité de bursch; leurs cama­rades ont la galanterie d’en élire, chaque semes­tre, une comme mem­bre du comité. Le 14 novem­bre 1967, en l’ab­sence du prési­dent, on voit une Sarini­enne diriger les débats avec une réelle maîtrise; au début de la séance, deux füchse lui ont offert un splen­dide bou­quet d’œil­lets. “Cette séance, note le secré­taire dans le procès-ver­bal, fut unique, ce soir fut un grand soir, son his­toire est de la grande histoire !”

Avec autant de per­sévérance que de courage, la Sarinia pour­suit ses efforts, gagne nom­bre d’ad­hérents à ses vues, vues larges et sou­ples en ce sens que les sec­tions auront la fac­ulté, mais non l’oblig­a­tion, d’ad­met­tre les étu­di­antes catholiques comme mem­bres à part entière. A la dernière Fête cen­trale, on adopte cette impor­tante mod­i­fi­ca­tion des statuts. En décem­bre 1969, bril­lante élec­tion de M. Paul Torche à la prési­dence du Con­seil des Etats. La sec­tion envoie au Palais fédéral une délé­ga­tion en couleurs, avec le dra­peau, apporter ses chaleureuses félic­i­ta­tions au dis­tin­gué mag­is­trat, son ancien prési­dent. Comme toutes les sociétés locales, elle prend part à la récep­tion que la ville de Fri­bourg ménage au nou­v­el élu.