Chronique de Cartouche — Civitas 2/2021–2022

Gour­mand à croquer !”

Ce semes­tre, j’ai décidé de m’aventurer pour vous dans la poé­tique bour­gade de Fri­bourg afin d’y décou­vrir les délices “sauces et ter­res” du restau­rant qui a fait couler l’encre de plus d’une car­touche : Le Sarinia.

L’Equipe : La brigade est cha­peautée toquée d’une chef.fe.x de cui­sine dont la bonne mine n’a d’égale que son amour pour la nour­ri­t­ure, inclu­sive soit-elle. Ayant mis les petits plats dans les grands, son menu de sai­son, bien que très copieux, fut un véri­ta­ble régal. À ses côtés se trou­vait pre­mière­ment un pre­mier sous-chef promet­teur, qui hélas ne fit pas (asca)long feu. Devant au pre­mier chef le rem­plac­er, un sec­ond pre­mier sec­ond aux airs messian­iques se dévoua et repris son rang avec brio.

Quant au Maître d’hôtel - qui me lira peut-être — celle-ci a assuré un ser­vice sans faute en par­venant à recruter une pléi­ade de nou­veaux serveurs d’exception (9). Atteignant ain­si un effec­tif de 43 mem­bres, dont une galamment élue au CC, nous ne pou­vons que joyeuse­ment con­stater que la cui­sine se porte à merveille.

L’Endroit : Alors que le restau­rant ouvrait à peine ses portes, une pre­mière embûche survint : inca­pable de trou­ver son lieu ! En effet, depuis la crise san­i­taire de 2020 et tout le bruit autour du COVID, cer­tains, révoltés de tout ce vacarme (ci-après : « anti-vac ») et las qu’on leur demande le passe partout, sug­gérèrent qu’on troque le stand­ing de l’Aigle Noir pour un ser­vice chez l’habitant, à défaut d’un carnotzet. Demeu­rant un moment indé­cis, les sariniens, après plusieurs décis se décidèrent : ils allaient scinder les évène­ments du semes­tre. Car au final, qu’importe le lieu, pourvu qu’on ait stamm, n’est-ce pas ?

Le Menu : À peine avions-nous fini de digér­er la céré­monie de clô­ture du 125e orchestré par les grands chefs de Chez Rubin, que notre grand voy­age gas­tronomique débutait.

Après le tra­di­tion­nel verre de bien­v­enue, nous avons pu en préam­bule, nous délecter d’un plat typ­ique de la région fri­bour­geoise : l’emblématique fon­due moitié-moitié (½ sarinien, ½ grévirien, le tout généreuse­ment arrosé de blanc). N’en déplaise aux puristes du fro­mage unique, cette recette don­na lieu à une resplendis­sante MISE EN BOUCHE.

Puis arri­va l’automne et son indis­so­cia­ble APERITIF : un plat des plus hétéro­clites à base de toasts, incor­po­rant habile­ment les saveurs, tant anci­ennes qu’actives.

En guise d’HORS‑D’OEUVRE, la cuisinière en chef qui, rap­pelons-le est valaisanne, nous a fait décou­vrir — en toute sim­plic­ité — une spé­cial­ité de chez elle : la Brisolée. Accom­pa­g­né de la dive bouteille (Valais oblige), ce plat fut aus­si char­mant que radieux.

Lorsqu’arriva le POTAGE façon « socié­taire » – curieuse con­coc­tion froide com­posée de malt, hou­blon lev­ure et eau – les con­vives, adeptes de la renom­mée « Potage­cup », décidèrent de tous s’affronter en duel. Répon­dant du tac au tac à cet affront l’un d’eux parvint sans effort à rem­porter la coupe.

Quant à L’ENTRÉE, celle-ci fut par­ti­c­ulière­ment ren­ver­sante ! Entière­ment pré­paré par les petites mains au ser­vice, ce mets ambrosien aux par­fums gré­co-romains n’eut aucun mal à met­tre nos papilles en éveil. Nous faisant grasse [sic] de l’onctueuse bièraubeurre, cette mix­tion de polynectare et de philtre d’amour fut un déli­cieux moment de détente pour le palais – à défaut de l’avoir été pour le foie…

Le PREMIER PLAT, quoique plus patri­o­tique, nous a tout de même fait voy­ager : il s’agissait d’une escapade à la zuri­choise façon Ori­on – de quoi bien se faire péter la cein­ture. L’irréprochable cui­sine étoilée n’a eu d’égal que l’accueil qui nous a été réservé par les cuistot(o)s.

Une fois s’être gorgés d’amitié et de nou­velles ren­con­tres, nous avons vertueuse­ment enchainé avec le DEUXIÈME PLAT. Con­coc­té par notre aumônier descen­du de son église sur la colline pour l’occasion, celui-ci s’est dévoué corps et âme. Spé­cial­ité à base de foi, la présen­ta­tion était de toute richesse, sans pour autant tomber dans l’étouffe-chrétien.

Mais trêve de nour­ri­t­ure spir­ituelle, place au FROMAGE ! L’air froid fri­bour­geois com­mençant à guet­ter nos tablées, la chef — infidèle tant au gruyère qu’au vacherin –nous servit son incon­tourn­able raclette. Issue tout droit des fours ruti­lants de l’Abbaye de St-Mau­rice, nos
estom­acs furent vite mis au chaud. Quant à nos cœurs, ceux-ci furent mis en fête par l’égayante hos­pi­tal­ité de nos hôtes agau­niens.

Ayant tous gardé la fameuse “petite place” pour le DESSERT, nous pûmes sans ver­gogne nous repaître de l’esculent entremets trilogique de la Saint- Nico­las Aslan. Bercés par des chants de mess­es d’une beauté édénique, nous fluc­tu­ions entre fuch­si­fi­ca­tion solen­nelle et vaude­ville west­ern­ien. Cerise sur le gâteau, nous assistâmes à la pro­mo­tion d’un de nos serveurs, acclamé par un ton­nerre d’applaudissements et une hémorragie de bonheur !

Le CAFE fut placé sous le signe de la cour­toisie & du savoir-vivre. Le par­tic­ulé Dauphin de l’Etiquette, présent pour l’occasion, nous inculqua les usages du monde et l’art de la table.Désor­mais éru­dit en la matière, nous remîmes le couvert.

Je ne m’attarderais pas sur le DIGESTIF, mys­térieuse bois­son druidique dont la teneur en alcool n’aide pas quant à sa pronon­ci­a­tion. Kr..Kroma…Krambali…boulyne…Bref, pas­sons !

Ras­sas­iés, cer­tains virèrent au vert lorsque le chef, dans un élan de cui­sine fusion, appor­ta d’immiscibles MIGNARDISES : panier de vau­dois­eries hel­ve­tio-zofin­gi­en­nes recou­vertes d’une sauce blanche mai­son. Mélange à pre­mière vue indi­geste, une bouchée suf­fit pour faire dis­paraître l’appréhension et laiss­er place au plaisir goû­tu du fruit défendu.

Cette fois-ci repu, son­na l’heure de L’ADDITION, du coup de fusil, de la douloureuse. Quelle ne fut pas ma sur­prise lorsque l’on m’annonça qu’une âme char­i­ta­ble avait offert ce repas hér­culéen. Une généreuse mécène, dénom­mée Anci­enne, que j’aimerais remerci­er, de son intariss­able bien­veil­lance et de son inces­sant soutien.

Attristé d’apprendre que le restau­rant itinérant fer­merait pen­dant l’hiver, on m’annonça qu’un chef dou­ble­ment étoilé reprendrait le flam­beau dès la sai­son nou­velle. Bien que cer­tains amis râlèrent quant à la fer­me­ture de l’unique Aigle Noir, le Six Hérons lui suc­cédera le temps de l’intersemestre. Je souhaite tout plein de suc­cès et de courage au prochain cor­don-bleu ain­si qu’à sa troupe, car après un tel fes­tin, il y aura du pain sur la planche pour nous remet­tre en appétit…

Ludovic Lore­tan v/o Cartouche